Depuis la nuit des temps, avant même l’écriture le dessin fut l’un des principaux moyens d’expression humaine. Croquant la vie et les travers de nos sociétés, le dessinateur de presse appuie la pointe de son crayon où ça fait mal. Il dérange avec impertinence en tentant de réveiller les consciences. Certains l’ont payé de
leur liberté et de leur vie. Créée en 2015 après l’attentat contre Charlie Hebdo alors que la censure se donnait
le droit de tuer, Le Crayon défend la liberté d’expression à travers le dessin de presse. Présidée par Alexandre Faure, l’association initie des expositions itinérantes bilingues sur des sujets de société majeurs illustrés par des centaines de dessinateurs et dessinatrices de presse du monde entier, expliquant l’image pour mieux
désapprendre l’intolérance.
COMMENT LE CRAYON ÉVOLUE-T-IL ?
Alexandre Faure : Personne n’imaginait une seconde avoir besoin de créer une association comme celle-ci dans un pays où on pensait la notion de liberté d’expression acquise. Pourtant la place du dessin dans la presse papier se restreint alors qu’il y a de nombreuses causes à défendre, droits des femmes, migrations, crise climatique, harcèlement, laïcité…
POURQUOI LE DESSIN DE PRESSE EST-IL SI CONTROVERSÉ ?
AF : En un dessin on peut comprendre les visées de l’artiste et provoquer une réaction immédiate. La censure est liée à l’incompréhension, à ceux qui ne partagent pas le propos et ne tolèrent pas que la presse puisse être libre. Cela s’exacerbe aujourd’hui. La déclaration universelle des droits de l’homme de 1789 jetait les bases de la liberté d’expression et la loi de 1881 celle de la liberté de la presse. On se rend compte que rien n’est définitif. Liberté d’expression, laïcité adoptée en 1905 et droit à l’avortement, que chacun tenait pour acquis, sont remis en question. Le Crayon est une alarme vigilante dans cette période politique trouble que traversent le monde et la France.
LE DESSIN DE PRESSE EST-IL UN DESSIN D’OPINION ?
AF : Le dessinateur a une opinion comme tout le monde. Il en joue avec impertinence. Un dessin ne va pas forcément convaincre, il bouscule les idées reçues, interroge, fait avancer un débat. La société devient fébrile à l’idée qu’un dessin puisse faire des vagues incontrôlables, blesser quelqu’un, ce qui peut signifier une mise à mort.
LE POLITIQUEMENT CORRECT NE TOUCHE PAS QUE LE DESSIN DE PRESSE ?
AF : C’est l’image en général jusqu’à celle du corps humain qui est en péril. Des élèves ont porté plaintes contre
leur professeur pour un tableau de la mythologie grecque représentant la déesse Diane nue au milieu de ses
compagnes. Certains tableaux sont déjà censurés sur les RS, un phénomène planétaire qui remet en cause la
laïcité et les institutions républicaines.
PEUT-ON ENCORE VOIR VOS EXPOSITIONS PRÉCÉDENTES ?
AF : Nos 7 expos tournent partout où on les demande. Celle sur les droits des femmes a été présentée au Kirghizistan. Elles suivent l’actualité, la précèdent parfois. En 2024, 254 dessinatrices.eurs de presse du monde entier ont proposé un dessin pour « Au bout du Crayon : Liberté d’expression et censure ». En 2025 ce sera « Au bout du crayon : les valeurs de la République : Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité ». Dénonçant compromissions, mensonges et fanatismes, ils dérangent la bien-pensance de ceux qui s’arrogent l’exclusivité de la pensée. Peut-être est-ce là toute la dangerosité d’un dessin. Au bout du Crayon, le dessin de presse vivra…
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